Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi il y a bien plus de friteries que de salade-bars en Belgique? À cause des automatismes qui guident trop souvent nos choix. La bonne nouvelle? Il est possible de sortir du mode « pilote automatique ».
Nous le savons tous: une salade est bien meilleure pour notre santé qu’un paquet de frites sauce andalouse accompagné d’une fricadelle. Et pourtant… combien de fois avons-nous cédé à cette envie? Ne culpabilisons pas: c’est un réflexe tout à fait normal. Heureusement aussi, ce n’est pas une fatalité.
Stimulus — réponse — renforcement
S’il n’est pas le premier à s’être penché sur la question, le psychologue comportementaliste américain Burrhus Frederic Skinner a été le premier à décrire les boucles de rétroaction qui se mettent en place chez les êtres humains:
• Je perçois un stimulus: j’ai faim, et je vois une friterie
• J’apporte une réponse: je m’arrête pour acheter un paquet de frites andalouse et une fricadelle, que je dévore avec appétit
• Je ressens une sensation agréable en conséquence: c’était bon, je me sens bien.
Cette conséquence agréable va se répéter, et créer ainsi une boucle de rétroaction, c’est-à-dire une situation où chaque nouvelle répétition de la réponse nous procure ce sentiment de bien-être. Insensiblement, nous finissons par réagir au stimulus de faim par l’achat d’un paquet de frites, de manière inconsciente et automatique. Même si nous savons qu’une salade ou un repas équilibré est bien meilleur pour notre santé.
Le même principe est à la base de la plupart des comportements addictifs: cigarettes, boisson, shopping compulsif… Ces boucles de rétroaction se mettent d’autant plus facilement en place que l’évolution a rendu notre cerveau plus sensible aux conséquences à court terme: il confond plaisir et bonheur.
Comment nous fabriquons notre propre mal-être
Nous retrouvons aussi le mécanisme “stimulus – réponse – conséquence” derrière les phénomènes de surmenage et d’épuisement professionnel. Cette fois, c’est un stimulus négatif qui est à la base de notre réaction:
• Le stimulus: j’ai peur de ne pas assez en faire au travail, alors que j’ai besoin de mon salaire pour vivre, payer mon crédit hypothécaire, subvenir aux besoins de ma famille…
• La réponse: je ne compte plus mes heures et je ne m’autorise plus de pauses, dans l’espoir que ce surcroît de travail m’apporte plus de reconnaissance et un meilleur salaire
• La conséquence: j’obtiens cette reconnaissance, voire une augmentation ou une promotion
Pour beaucoup, ça s’arrête là: un petit surcroît de travail, suivi de sa récompense, et tout rentre dans l’ordre. Pour d’autres, malheureusement, une boucle de renforcement se met peu à peu en place. Cette répétition d’un travail trop important nous mène graduellement vers une situation de surmenage. Or, l’épuisement nous rend moins productifs, ce qui nous inquiète pour notre avenir professionnel. Comme il existe déjà une boucle de rétroaction, nous faisons encore plus d’heures, dans l’espoir de générer cette conséquence positive qui nous manque. Mais nous n’y parvenons plus, et cela génère de l’anxiété. Alors, nous faisons encore plus d’heures, toujours sans résultat. Nous sommes coincés dans notre comportement réflexe.
Comment briser le cycle?
Heureusement, nous ne sommes pas condamnés à rester dans la boucle. Mieux: la solution est à notre portée. Il nous suffit d’être plus présents à nous-mêmes, de nous observer avec bienveillance pour détecter le stimulus et notre réponse automatique. “Prendre conscience” de cette réponse nous permet — c’est le sens de l’expression — de ramener ce schéma inconscient dans le champ de notre conscience. Sans nous juger ou nous accabler, bien sûr. Peu à peu, cette observation bienveillante va porter ses fruits, et un espace va se créer entre le stimulus et la réponse. Pour reprendre les mots de Viktor Frankl, psychiatre autrichien: “entre le stimulus et la réponse, il y a un espace; et dans cet espace réside la liberté”. Cette capacité de prendre conscience de nos boucles de rétroaction et de choisir d’agir autrement d’ailleurs été mise en évidence dans plusieurs études, notamment en lien avec l’alcoolisme.
Prendre conscience de nos automatismes nous rend la liberté. La liberté de choisir le salade-bar plutôt que la friterie du coin. De passer du temps avec notre famille plutôt que d’enchaîner les heures supplémentaires. Et de réaliser que cette liberté retrouvée, que ces pauses que nous nous octroyons, nous apportent la sérénité et l’énergie que nous pensions perdues. C’est là un des plus beaux cadeaux de la pleine conscience.
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